Le mouton
Il fait, au vert des prés, pousser les primevères
Dès les
premiers beaux jours, et les petits enfants
Comme ils sont à sa
taille, arrivent en courant
Pour lui donner leurs mains, chaque
fois ils espèrent
Un regard échangé avec le mouton blanc.
Les
écheveaux de laine, au flanc de la colline
Paissent
tranquillement, et le peintre appliqué
Peut poser des points
clairs entourant un rocher
Perles de poésie à son image
alpine
Que le vent frais d'été vient avec soin sécher.
Quand
il est doté de cinq pattes, il faut dire
Qu'il fait beaucoup
parler, et les plaisanteries,
Sur lui sont entendues, et disent à
l'envi
L'intérêt de la norme au mépris du délire,
Et la
raison du nombre au-dessus de la vie.
Nul ne sait que penser
de ces hordes bêlantes
Qui se taisent dès que le vent les pousse
au train,
Tant elles sont flattées par le souffle divin
Et
tombent en silence entre les mains béantes
Du premier prophète
passant sur leur chemin.
Que faut-il en dire ? Pour moi, c'est
entendu,
Le mouton, dans la vie, n'a pas meilleur ami
Que le
loup, déguisé, prolixe en flatteries,
Par qui il finira rôti
rose et dodu*
A la table du roi, façonné et bien cuit.
Mady
Kissine