lundi 14 mars 2016

Pour Laurence Rocher


C'est d'abord un bouton de rade sur la mer
Et qui s'ouvre en pétales,
Rare fleur au jardin de l'horizon désert,
Escale !

Je suis las de n'avoir pour compagnon de route
Que des nuages gris changeant à tout moment,
Je suis triste de vingt jours de mer et de doute
Sur le navire obscure qui n'a pas de printemps.

Penché sur le soleil incliné des tropiques,
Je cultive les fleurs légères des couchants,
Mais jardinier leurré de plantes chimériques,
Je les vois se faner sous la nuit ou le vent.

Escales des matins argentines et fraîches,
O fruits salins mûris par les soleils des mers,
Je veux mordre aux douceurs vivaces de vos chairs,
Vous qui de loin avez du duvet bleu des pêches.

Je ne vois rien encore à l'horizon figé
Dans le cercle marin que nul phare ne troue ;
Mais mon coeur, devançant tout ce morne trajet,
A déjà vu trembler Santa-Cruz à sa proue...

Jules SUPERVIELLE  Débarcadères

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